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Presse & publicité : le bilan

image : Garance doré

Une presse papier en crise, des ventes qui chutent et des rédactions qui ferment, tout cela n'est pas nouveau. Et si les solutions sont restées limitées jusque là, de nouveaux modèles voient le jour, et laissent présager un avenir moins sombre.

Une crise qui n'est pas nouvelle

Si nous ne reviendrons pas sur tous les facteurs pouvant expliquer la perte de vitesse des médias traditionnels, retenons que le financement par le lecteur s'est vu concurrencer par le gratuité d'internet, et les espaces publicitaires qu'offrait la presse se sont vu menacer par l'infinité du web. Ainsi la presse s'est vu retirer ses principales sources de financement, et s'est tournée vers les médias 2.0 abandonnant même pour un moment le papier, on se souvient du #lastprintissue du magazine  Newsweek.
Mais très vite un autre problème est survenu, comment la publicité doit-elle vivre sur ces nouveaux médias ? Et la réponse a été quantitative avec la propagation de bannières publicitaires en tout genre (ne parlons pas de l'aspect créatif...) mais aussi des vidéos et des sons transformant la simple lecture ou recherche d'information en expérience de self-contrôle.

Des solutions aux résultats nuancés sont apparues

Face à cette déferlante, certains acteurs ont voulu rectifier le tir et proposent du "tout payant" à l'instar de Mediapart qui ne s'en sort pas trop mal; des offres premiums ou des "paywalls" comme Le monde.fr qui requiert alors un abonnement pour accéder à certains articles, ou encore l'offre Bundle que préconise Jeff Bezos pour le Washington post. Cependant les offres gratuites connaissent encore un large succès, à l'ère d'internet les consommateurs ne sont plus près à payer pour financer l'information. La structure même du financement de l'information est transformée et repose aujourd'hui uniquement sur l'annonceur, ce qui, démocratiquement pose un réel problème avec un accès à l'information à deux vitesses. D'un côté une information traitée, analysée, vérifiée et payante et de l'autre des sites d'information "fourre tout" où le consommateur devient le produit en échos à la désormais célèbre phrase de Tim Cook « [...]quand un service en ligne est gratuit, vous n’êtes pas le client. Vous êtes le produit ».

La nécessité d'un changement de paradigme

Si les marques ont déserté la presse, c'est parce que les cibles potentielles ont émigré sur internet, et que, les médias se sont multipliés. Pourtant le New York Times semble avoir retrouvé un équilibre avec la mise en place d'un Purposefully Porous Paywall (PPP). Il s'agit de différencier les lecteurs des visiteurs uniques, et donc de proposer des offres différentes selon le profil. Avec d'une part 3% des abonnements payés par des marques en échange de quelques e-mails dans l'année pour les gros lecteurs (plus de 300 articles par mois), et une campagne d'offre d'abonnement pour les 17% de vrais lecteurs qu'il s'agit de transformer en abonnés. Le reste, 80% étant constitué de visiteurs qui ne restent que quelques secondes sur la page. A partir de cette différenciation les efforts se focalisent alors sur l'attention des lecteurs et non sur leurs clics. Au final pas moins de 225 000 nouveaux abonnés numériques, et grâce à des offres bundle d'abonnement papier le week-end et numérique la semaine, la diffusion Print est repartie à la hausse, entrainant un regain d'intérêt pour les marques! Ce qui se traduit par un maintien des revenus de la publicité digitale et une augmentation des revenues publicitaires pour le papier.

Le clic n'a aucune valeur pour les médias à long terme, qui ne font alors qu'accumuler des visiteurs uniques atterris là un peu par hasard...  Il s'agit donc de passer d'un web du clic à un web de l'attention où le temps devient le seul instrument de mesure. Une opportunité pour les annonceurs qui paient alors pour l'attention du consommateur et non leur simple visite. Le webzine presse-citron a ainsi récemment réinventé sa façon de se financer en supprimant les bannières publicitaires et en différenciant ses lecteurs avec des lecteurs premiums choyés... D'autres sites comme Upworthy "Things that matter. Pass'Em on" se concentrent sur l'attention des lecteurs en lui proposant uniquement des articles pertinents qui sont triés sur le volet, on sort ainsi de la sur-information. On a donc une plateforme avec peu d'articles qui se finance par le sponsor de marques qui partagent les mêmes valeurs.

image : Upworthy 
La publicité et la presse forment encore un duo gagnant. Si l'arrivée de nouveaux médias a bousculé le très vieil équilibre entre annonceurs et journaux, la presse papier et la presse 2.0 devront toujours s'appuyer sur les annonceurs ET sur les lecteurs pour se financer. Au risque de tomber  dans certaines dérives actuelles avec des pages sur-chargées en bannières et publicités de tout genre, ou alors de créer une information payante avec les dérives démocratiques que cela comporte...