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La data va-t-elle tuer la pub ?

Source : Garance Doré
Nombreux sont les articles qui ont venté les mérites de la collecte de DATA, en commençant par ce blog (voir ici et ). La quête des données personnelles est devenue le Graal des publicitaires, une solution facile et en parfaite harmonie avec la société de l'information actuelle mais qui présente de nombreuses limites et de multiples risques...

La collecte de data et la publicité.

Vous avez certainement aperçu depuis bientôt deux ans l'apparition de bannières mises en place par la CNIL qui vous alertent sur la sauvegarde de vos informations par des cookies, le plus souvent on clique sur "oui" plutôt que sur "en savoir plus" , de toute façon on ne peut pas vraiment dire non...

Source : Do Not Track - Arte


Face à cette directive européenne qui bloque les cookies servant aux publicitaires pour établir votre profil consommateur, et à la levée des bouclier anti-cookies caractérisée par une hausse des installations des bloqueurs de publicité de 69% en un an (voir ici), les traceurs ont déjà une longueur d'avance... En effet le fingerprinting (traduit par empreinte digitale) permet de générer une image unique de chaque internaute à partir de sa navigation web de façon anonyme certes mais ils sont cependant beaucoup plus difficiles à bloquer qu'un cookie...

Ainsi le "big data" est devenu un paradis pour les investisseurs en faisant de la publicité un business modèle pour le web. Le concept est simple, il suffit de créer un site et de construire "le conte de l'investisseur" (plus de détail ici) en lui expliquant qu'avec la croissance des profits suivra celle de l'audience du site. Or selon les derniers résultats de Facebook le bénéfice par utilisateur est de 0,6$ pour 40 minutes en moyenne passées sur le site. Une fable qui continue pourtant de perdurer chez les investisseurs mais aussi chez les publicitaires.

En effet, l'idée que des informations sur le consommateur puissent être utilisables par les marques afin d'améliorer leur profit est dans toutes les têtes, et on a vu fleurir les conseils marketing en tout genre sur ce Big data. Souvent érigée comme pilier du futur servant ainsi à toujours mieux cibler, toujours plus personnaliser, agir au bon moment et en temps réel... Un eldorado qui a pourtant ses contreparties et ses limites.
 
La personnalisation à outrance rend la publicité inefficace. 

Force est de constater que la publicité digitale a fait entrer les marques dans une "vallée dérangeante", terme employé par Colin Strong, spécialiste dans le domaine à l'institut d'étude du GfK. Il s'interroge sur la viabilité de cette course à l'information (voir ), en montrant que 38% des consommateurs auraient déclaré lors d'une étude du GfK avoir recours à un blocage publicitaire, et que 68 % des britanniques utilisant Internet trouvent inquiétante la façon dont les annonceurs utilisent nos données personnelles. L'image de vallée dérangeante traduit l'idée selon laquelle plus un robot nous ressemble plus il nous devient sympathique mais lorsqu'il devient trop ressemblant ses imperfections deviennent hideuses, et le robot devient insupportable... Un concept que Strong applique au big data.

D'autres comme Joseph Turow reviennent ici sur le ciblage socialement excluant de ce types de publicité. Ces bannières ou tout autre processus de ciblage agissent comme des miroirs sociaux, ainsi si vous ne voyez que des offres commerciales pour des voitures bas de gamme, des vacances peu exotiques ou tout autre produit cela aura tendance à refléter une appartenance à une classe sociale dévalorisée et à enfermer les individus à l'origine plutôt enclin à un désir d'émancipation.

Le traçage ne respecte pas la vie privée. 

Outre l'aspect rendement de ces pratiques, il persiste une question morale. Qui a réellement envie d'un monde où la surveillance est omniprésente, où l'information est développée dans une optique de clic plutôt que dans une optique de réflexion, où encore d'une personnalisation à outrance qui réduit l'individu à un isolement idéologique voire à une propagande médiatique comme l'illustre cette étude (ici) de Gilad Lotan?

Source : www.boligan.com

Pourtant c'est ce qui est en train de se passer, et ce n'est pas près de s'arrêter, Google sera encore plus oppressant, encore plus présent comme il l'a explicité dans une lettre (celle-ci) envoyé à la SEC - U.S Securities and Exchange Commision- où l'on trouve des idées comme "Dans quelques années, nous et d’autres entreprises pourrions diffuser de la publicité et d’autres contenus sur des réfrigérateurs, des tableaux de bord de voitures, des thermostats, lunettes et montres, pour ne citer que quelques possibilités." Plutôt flippant...


La publicité ne se réduit pas à des chiffres et des algorithmes. 

Et ci cela n'a toujours pas apporté les résultats escomptés c'est parce que ce n'est pas de la publicité. Depuis quand une campagne est-elle basée sur le traçage de la vie privée des gens? Et c'est bien là le problème. Comme l'indique la sémiologue Judith Williamson dans "Decoding Advertisements" la publicité vend plus qu'un simple bien de consommation et nous fournit une structure. Si on achète un produit pour ses qualités, on le choisit aussi par identification. Par exemple lorsqu'une personne achète une voiture elle ne désire pas seulement le produit (le style, le moteur etc.) ou son marqueur social (le prix, la gamme...) mais aussi l'identité qui va avec, celle que le spectateur consommateur à su identifier, le mâle hétéro sûr de lui, la femme d'affaire pressée, la maman branchée etc. Or en vendant des produits ultra-ciblés par des données on perd l'illusion du choix et les fantasmes de l'identification.

Source : Mad Men
Si les données, ne peuvent donc pas être la finalité d'une campagne de publicité, elles n'en sont pas pour autant inutiles car elles peuvent par exemple servir pour décrypter les grandes tendances d'achat, les comportements des acheteurs ou encore pour garantir la libre concurrence comme l'explique Paul Boulangé, responsable numérique pour Havas Paris dans cet article du Monde. Les cookies restent ouverts à tous, contrairement à des systèmes internes de traçage envisagés par Google ou Apple qui aboutiraient à "une logique d'écosystème fermé" et laisseraient place à des monopoles de traçage.

Kit de survie. 

En attendant que les choses changent et que vos données soient enfin protégées voici quelques outils qui peuvent vous aider à ne pas être poursuivie.

- La série interactive  Do Not Track que propose Arte et qui vous plonge au cœur des controverses du web.

- N'hésitez pas à protéger vos ordinteurs des "add-on" et plutôt que d'utiliser  Adblock qui a conclu un arrangement avec Google, Microsoft et Amazon pour filtrer et afficher des publicités contre rémunération (et oui! Et c'est le Financial Times qui le dit ici), dirigez-vous vers Disconect () ou Ghostery ().

- Et n'oubliez jamais que,  "Quand un service en ligne est gratuit, vous n’êtes pas le client. Vous êtes le produit."  Tim Cook- le CEO d'Apple.