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Les marques s'immiscent dans l'espace culturel


La volonté des marques d'investir l'espace culturel n'est pas nouvelle. Red Bull par exemple avec la mise en place de compétitions sportives ou encore Victoria's secret dont les défilés sont devenus un rendez-vous majeur, illustrent bien l'ambition médiatique de certaines marques.

Les marques des nouveaux acteurs culturels

La publicité est aujourd'hui en crise, elle subit d'une part celle économique, mais connaît aussi une montée des suspicions du consommateur, avec une perte de confiance et de légitimité. Et si depuis sa création, la publicité a toujours été synonyme de propagande économique, la méfiance s'est aujourd'hui accrue. Les marques ont donc des objectifs très clairs ; regagner la confiance des consommateurs et se trouver une place légitime dans le paysage médiatique où seule l'information journalistique semble apparaître "transparente" et "véritable".

Pour ce faire quoi de plus naturel que de se tourner vers les biens culturels, un domaine ayant une forte légitimité et largement perçu comme un pourvoyeur de vérités auprès des individus. Ainsi les marques tentent de se transformer en produit culturel ou du divertissement afin de se détacher de leur image de machines dont l'unique but serait de vendre des produits, le tout ancré dans une vision consumériste et pollueuse. On a donc vu récemment l'apparition de "magalogues" contraction de "magazine" et "catalogue". Des nouveaux modèles hybrides qui sont plus fins, plus épurés et qui ne sont surtout plus une accumulation de pages produits et de références. Avec cette nouvelle formule, les marques suppriment des pages produits, et ne présentent qu'une partie de la gamme afin de laisser place à des pages au contenu relevant du conseil, comme l'illustre 3 suisses.




Une stratégie de plus en plus communes que les chercheurs en SIC - Science de l'information et de la communication- ont nommée "dépublicitarisation", concept qui permet de se démarquer des autres discours publicitaires en apparaissant sous des formes moins reconnaissables et plus discrètes. La publicité investit alors le domaine médiatique en s'y insérant, avec des placements de produits au cinéma par exemple (voir ici), en créant des formes hybrides comme vu précédement, ou encore en créant des lieux culturels à leur image comme le montre la fondation Louis Vuitton. 

On peut donc retenir trois formes de "dépublicitarisation" avec d'un côté une percée des marques dans le monde des médias, de l'autre une imitation des formes médiatiques déjà instituées. Ainsi l'intention marchande n'apparaît pas en premier lieu, et elle est remplacée par un objectif de valorisation de la marque.

Des formes de plus en plus communes qui présentent des limites

Et si ces nouvelles formes de communication sur l'image de marque peuvent apparaître comme des atouts pour construire des liens forts avec les consommateurs et donner du sens; elles peuvent aussi s'avérer être des expériences laborieuses et peu productives.

En effet, le mix biens culturels-marques doit trouver un équilibre entre marchandise et culture, une harmonie qui n'est pas si facile à atteindre. Trop nombreux sont les contenus médiatiques dont le discours marchand est encore fortement perceptible et qui livrent un sentiment de tromperie pour le consommateur, ce qui n'est pas sans renforcer la méfiance du contexte actuel.

D'autre part si cette stratégie peut être payante en terme de branding, elle peut aussi venir saturer un espace médiatique déjà fortement encombré. Un élément qui peut être vu comme polluant un espace où le consommateurs a déjà du mal à faire le tri entre toutes les informations disponibles.

Et même si les marques possèdent des foncions symboliques elles ont avant tout des fonctions économiques. Une culture par les marques qui n'est donc pas dépossédée d'intérêts tournés vers le profit. Lorsqu'elles s'érigent en productrices de biens culturels on peut facilement passer d'une culture discutée à une culture consommée. L'art pour l'art n'est pas un fil conducteur pour le branding, les stratégies qui érigent les marques en pourvoyeur de biens culturels dans une quête de sens sont donc à utiliser avec parcimonie... Au risque de se voir attribuer la place d'imposteur dans le monde culturel, ce qui dans le contexte actuel pourrait avoir un coût important en terme de communication et d'image.